Michael Sean Strickland
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2020

1196 — Shalmani, A. (2019). Éloge du métèque. Paris: Grasset. 6 February 2020, Paris.

« Métèque, ce mot accolé à tout ce qui n’est pas d’ici, à tout ce qui fait peur, à l’exotisme, à l’aventure, à la méfiance, à la traîtrise, au déracinement, ce mot tranquillement balancé aux visages trop burinés, aux mains calleuses, aux esprits libres, aux athées, aux Juifs, aux Noirs, aux métis, aux Arabes, aux étrangers, aux vagabonds, aux clochards, est l’un des plus beaux mots du monde.

« C’est un mot qui me console, qui me rappelle que je flotte, que je ne possède que les racines que je me suis dessinées, que j’aurais beau m’accoler une nationalité, visible sur mes papiers d’identité, une langue parfaitement maîtrisée, une vie d’autochtone, je ne serais jamais qu’une métèque » (p. 12).

« Je suis une métèque, je participe de cette longue histoire de vagabondage, de larmes, de vol, de peur, d’ostracisme, de combat, de pas de côté. C’est ma mémoire et mon futur, c’est le seul lieu qui m’est permis, le seul lieu dont on ne pourra jamais me virer. Métèque est mon identité et ma poésie, ma chair et mon rire, ma force et ma faiblesse » (p. 13).

« Car s’il me faut choisir une identité en ces temps où chacun est sommé de se présenter un drapeau à la main, disant son origine nationale, ethnique, religieuse, sexuelle, ses préférences, le passé dont il se réclame, je choisis le métèque. Dans ce choix, il y a tout d’abord le refus absolu du déterminisme, social, historique, sexuel our religieux; ensuite, une passion pour la liberté qui demeure, à mes yeux, la seule voie possible vers l’autonomie. Et c’est ici que le bât blesse. Accéder à l’autonomie, c’est l’enfer: il est plus aisé d’être dépositaire de ses gènes que de se réinventer et de se choisir. Je crois que l’homme est naturellement porté à la paresse, et la proposition du métèque est un longue chemin, solitaire et escarpé. Mais je refuse d’être mon ADN, je refuse de n’être qu’une suite de cellules héritées de mes parents, je refuse d’être entravée par la tradition, de n’être qu’une partie d’une communauté organique, faite de culture et de langue. Je refuse de n’être que le fruit pourri d’un déterminisme historico-génétique qui honnit le doute et la liberté. Si je choisis de me définir comme métèque, ce n’est pas seulement une provocation, c’est un sacerdoce et le plus beau chant d’amour que je connaisse. Ma seule idéologie est la liberté, ma seule ambition le monde, ma seule maison celle que je construis au fil de mes désirs » (pp. 13–14).

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