Michael Sean Strickland
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2020

1224 — Fanon, F. (1952). Peau noire, masques blancs. Paris: Seuil, 1995. 30 June 2020, Philadelphia.

« Nous avons employé tout à l’heure le terme de narcissisme. En effet, nous pensons que seule une interprétation psychanalytique du problème noir peut révéler les anomalies affectives responsables de l’édifice complexuel. Nous travaillons à une lyse totale de cet univers morbide. Nous estimons qu’un individu doit tendre à assumer l’universalisme inhérent à la condition humaine » (pp. 7–8).

« Nous estimons qu’il y a, du fait de la mise en présence des races blanche et noire, prise en masse d’un complexus psycho-existentiel. En l’analysant, nous visons à sa destruction.

« Beaucoup de nègres ne se retrouveront pas dans les lignes qui vont suivre.

« Pareillement beaucoup de Blancs.

« Mais le fait, pour moi, de me sentir étranger au monde du schizophrène ou à celui de l’impuissant sexuel n’attaque en rien leur réalité » (p. 9).

« Il y a un drame dans ce qu’il est convenu d’appeler les sciences de l’homme. Doit-on postuler une réalité humaine type et en décrire les modalités psychiques, ne tenant compte que des imperfections, ou bien ne doit-on pas tenter sans relâche une compréhension concrète et toujours nouvelle de l’homme? » (p. 17).

« Refusant de multiplier les éléments, nous risquons de ne pas délimiter le foyer; or, il est important de dire au Noir que l’attitude de rupture n’a jamais sauvé personne; et s’il est vrai que je dois me libérer de celui qui m’étouffe parce que véritablement je ne puis pas respirer, il demeure entendu que sur la base physiologique : difficulté mécanique de respiration, il devient malsain de greffer un élément psychologique : impossibilité d’expansion.

« Qu’est-ce à dire? Tout simplement ceci : lorsqu’un Antillais licencié en philosophie déclare ne pas présenter l’agrégation, alléguant sa couleur, je dis que la philosophie n’a jamais sauvé personne. Quand un autre s’acharne à me prouver que les Noirs sont aussi intelligents que les Blancs, je dis : l’intelligence non plus n’a jamais sauvé personne, et cela est vrai, car si c’est au nom de l’intelligence et de la philosophie que l’on proclame l’égalité des hommes, c’est en leur nom aussi qu’on décide leur extermination » (p. 22).

« Nous répondrons à ces objecteurs que nous faisons ici le procès des mystifiés et des mystificateurs, des aliénés, et que, s’il existe des Blancs à se comporter sainement en face d’un Noir, c’est justement le cas que nous n’avons pas à retenir. Ce n’est pas parce que le foie de mon malade fonctionne bien que je dirai : les reins sont sains. Le foie étant reconnu normal, je l’abandonne à sa normalité, qui est normale, et je me tourne vers les reins; en l’occurrence, les reins sont malades. Ce qui veut dire qu’à côté des gens normaux qui se comportent sainement selon une psychologie humaine, il en est à se comporter pathologiquement selon une psychologie inhumaine. Et il se trouve que l’existence de ce genre d’hommes a déterminé un certain nombre de réalités à la liquidation desquelles nous voulons ici contribuer » (p. 25).

« Si celui qui s’adresse en petit-nègre à un homme de couleur ou à un Arabe ne reconnaît pas dans ce comportement une tare, un vice, c’est qu’il n’a jamais réfléchi. Personnellement, il nous arrive, en interrogeant certains malades, de sentir à quel moment nous glissons... » (p. 25).

« Si les découvertes d’Adler et celles, non moins intéressantes, de Kuenkel expliquent certains comportements névrotiques, il ne faut pas en inférer des lois qui s’appliqueraient à des problèmes infiniment complexes. L’infériorisation est le corrélatif indigène de la supériorisation européenne. Ayons le courage de le dire : c’est le raciste qui crée l’infériorisé » (p. 75).

« De prime abord, il peut sembler étonnant que l’attitude de l’antisémite s’apparente à celle du négrophobe. C’est mon professeur de philosophie, d’origine antillaise, qui me le rappelait un jour : “Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous.” Et je pensais qu’il avait raison universellement, entendant par-là que j’étais responsable, dans mon corps et dans mon âme, du sort réservé à mon frère. Depuis lors, j’ai compris qu’il voulait tout simplement dire : un antisémite est forcément négrophobe » (p. 98).

« Pourtant, de tout mon être, je refuse cette amputation. Je me sens une âme aussi vaste que le monde, véritablement une âme profonde comme la plus profonde des rivières, ma poitrine a une puissance d’expansion infinie. Je suis don et l’on me conseille l’humilité de l’infirme... Hier, en ouvrant les yeux sur le monde, je vis le ciel de part en part se révulser. Je voulus me lever, mais le silence éviscéré reflua vers moi, ses ailes paralysées. Irresponsable, à cheval entre le Néant et l’Infinie, je me mis à pleurer » (p. 114).

« Je me découvre un jours dans le monde et je me reconnais un seul droit : celui d’exiger de l’autre un comportement humain.

« Un seul devoir. Celui de ne pas renier ma liberté au travers de mes choix » (p. 186).

« Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose :

« Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve » (p. 187).

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